samedi, juin 28, 2008

DFU

Derrière ces initiales, Défi des Fondus de l'Ubaye, une noble cause et un menu assez copieux pour passer une journée dans l'un des endroits de France où la concentration de cols de plus de 2000m est peut être la plus élevée. Autour de Barcelonnette se dressent en effet les cols d'Allos, Cayolle, Bonnette, Vars qui culminent au delà de la limite précitée. En écrivant les objectifs pour l'année en cours, je pensais à ce rendez vous. Et pour le deviner, il fallait lire entre les lignes... De la prudence donc, car je n'avais prévu aucune préparation spécifique pour cette journée. C'est la dernière sortie en Chartreuse (~4500m de dénivelée) qui a donné le feu vert.

Lever 4h30 pour un départ à 5h30 aux premières lueurs du jour. Nous sommes un peu moins d'une centaine à dévaler les faux plats vers la première difficulté du jour. Une route qui bifurque sur la droite, se cabre, et immédiatement, chacun d'entre nous recherche et applique son tempo en prévision des longues heures devant soi.

1) Col de Pontis
Des pourcentages annoncés élevés, à 2 chiffres, et pourtant, un premier col qui de souvenir se passe bien. L'esprit, pas encore assez réveillé, n'a pas eu le temps d'enregistrer complètement les sensations à ce moment là... Premier coup de tampon sur le carnet de route au contrôle, et c'est la descente avec le lac de Serre Ponçon qui se laisse admirer.

2) Col Saint Jean
Sur la rive opposée à la rivière de l'Ubaye et contrairement à son alter ego Pontis, il est roulant et il permet déjà de revoir les premiers passer. En effet, c'est une spécificité originale de ce défi. Tous les cols exceptés le numéro 1 se font en aller et retour: on descend par le versant par lequel on est monté. Une complicité qui heure après heure se noue entre les participants et des encouragements constants de ceux qui descendent, au sourire de plus en plus grand, à ceux qui montent, au sourire de plus en plus semblable à un rictus.

3) Col d'Allos
Un beau col, agréable à rouler, et grisant car avec des passages qui permettent de reprendre de la vitesse. J'ai entendu dire que c'est dans ce col que tout se joue: il serait le premier indicateur de son état de forme. Ma première partie est un peu euphorique, du groupe de 5-6 cyclistes que nous formions dans la remontée vers Barcelonnette, je me dégage à une allure qui me semble ni trop élevée ni trop basse. Je rattrape encore un cycliste, qui navigue en danseuse devant moi à quelques dizaines de mètres. Je suis, à ce moment là, très à l'écoute de mon corps et tout semble aller bien mais dans les derniers kilomètres, 2 cyclistes me rejoignent, une douleur au genou droit apparait et déjà une fatigue se devine...

4) Col de la Cayolle
Un col tout en rupture de pentes. Les premiers kilomètres se font dans des gorges avec un pourcentage modéré. Le final des 9 derniers kilomètres est plus régulier. Les nuages commencent à s'amasser et la température est alors moins élevée. J'applique la stratégie suivante: un début de montée en douceur pour moins subir la chaleur et accélérer en fin de montée si cela est possible. Le pignon de 28 dents, qui commençait à rouiller cette année, car peu utilisé, est désormais chauffé à blanc depuis Allos. Retour à Barcelonnette pour 20 minutes de pause et manger un morceau.

5) Col de la Bonnette
Les vents (thermiques) lors de ce défi sont systématiquement favorables dans les faux plats montants ce qui facilite bien notre tâche. A Jausiers, commence l'ascension vers le plus haut col routier d'Europe. La montée est longue et régulière. Le cycliste guette avec avidité, l'instant délicieux, forcément délicieux, où le vent qui souffle par intermittence rafraichit plus qu'il n'assèche. A ce moment là, la chaleur devient un problème secondaire, il ne reste plus qu'à lutter contre la pente et peu plus haut contre l'altitude et la raréfaction de l'oxygène qu'elle engendre... A la vue du sommet, une sensation étrange me saisit. Ce dernier kilomètre parait étrange, incongru, anormal. On sait que la pente est importante mais c'est la ligne de fuite formée par la route qui est bizarre. Comme dérangeante pour l'esprit. Au sommet je fais du troc avec les contrôleurs, je récupère une banane et laisse des barres devenues inutiles, je n'arrive plus à les avaler. Le ciel commence à noircir au dessus de cette cime de la Bonnette. Plus tard, de rage, les cieux vont frapper par leurs éclairs, la pointe sommitale, comme pour châtier l'arrogance des hommes, qui depuis la tour de Babel, cherchent à s'élever plus que nécessaire. Le vrai col de la Bonnette (2715m) est en effet un peu plus bas et cette portion de route qui culmine à 2802m n'est là que pour dépasser Agnel, Stelvio et Iseran. Les nuages, quant à eux, finiront par déverser la pluie un peu plus loin, ou un autre jour.

6) Col de Vars
Il ne fait que 8 kilomètres depuis St Paul sur Ubaye et les 7 kilomètres de faux plats n'annoncent pas la couleur. Il fait mal. 3 kilomètres à 9% et plus permettent de jauger le moral des troupes alors que plus de 260 kms ont déjà été parcourus. Il est alors trop tard pour renoncer et c'est donc presque condamné à avancer qu'il faut finir ce col. Le soleil n'a pas encore déserté les lieux, il est 19 heures. Quelques mots réconfortants de la part du contrôleur, qui en a vu d'autres, et demi tour pour une énième descente.


7) Saint Anne
La montée vers cette station de ski est la dernière difficulté de la journée. Enfin à l'ombre. Après une dizaine d'heures à rouler seul, un cycliste me rejoint et nous finissons ensemble les derniers kilomètres de montée de ce défi. Retour à vive allure, grand plateau. Il est 21 heures au point d'accueil avec un temps de 15h30 dont 14h06 de vélo sur 310kms.
Bilan
Objectif atteint avec les 7 cols réalisés avant la nuit. C'est également mon 2ème périple de plus de 300 kilomètres en montagne. Mais la déception pointe, en étudiant les puissances développées lors de chaque montée, lorsqu'il s'avère qu'elles sont plus basses que prévues. C'est seulement 15 watts de mieux en moyenne par rapport à mon tour du Mont Blanc 2005, de difficulté comparable (325kms, 7400m d'ascension) il y'a 3 ans déjà. Or, ma FTP a progressé d'environ 45 watts durant ce laps de temps et même à une intensité de 0.6-0.7 cela aurait du faire une progression d'environ 30 watts. Au BRA 2007, 5200m de dénivelée sur des cols aussi longs et aussi hauts, IF a varié entre 0.77 et 0.82, bien aidé, il est vrai, par des températures limitées entre 10 et 20°C. Ici, l'intensité d'effort, de 0.86 dans Pontis, passe à 0.77 dans St-Jean, 0.70 dans Allos puis plafonne à 0.65 environ dans Cayolle, Vars, St-Anne et même 0.62 dans le col de Bonette particulièrement long, il est vrai, avec 2 heures d'ascension. On peut bien sûr incriminer la température, mais elle ne fut pas si extrême que cela (entre 20 et 30°C). En outre, j'ai essayé au mieux de m'en protéger en portant attention à une hydratation régulière (toutes les 5mns), en roulant avec une casquette humide et avec un bidon dédié à m'asperger aussi souvent que possible. Il y'a peut être une autre raison que j'ai encore du mal à cerner pour expliquer ces 15-20 watts qui ont manqué et rouler à une intensité d'effort d'au moins 0.7. Manque d'entrainement spécifique sur des sorties de plus de 6 heures, avec de longs cols, ou bien tout simplement la fin d'un cycle avec un pic de forme derrière moi?

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