Certaines révélations sont parfois difficiles à accepter. J'ai toujours fait une confiance absolue à mon capteur de puissance PowerTap, n'ayant jamais réussi à le prendre en défaut sur la précision et la reproductibilité des mesures (
test statique et, sur route lors de chaque montée, comparaison systématique à
posteriori du PowerTap avec un calcul approché de la puissance par intégration des équations du mouvement grâce à des scripts VB sous Excel). Jusqu'à présent, j'avais en tête que la mesure d'une valeur par des jauges de contraintes était tributaire de la température extérieure (par contraction/dilatation des pièces métalliques). Mais je ne savais pas dans quelle mesure. Le fait que le capteur PowerTap possède une fonctionnalité manuelle et automatique (lorsque l'on cesse de pédaler) de calibration (remise à zéro) m'avait toujours rassuré sur ce point et n'avais donc pas investigué plus sur ce talon d'Achille. Les premiers doutes sont apparus il y'a quelques semaines, intrigué par de meilleures sensations
après la première série d'un 2*20mn. Je mettais cela sur le compte d'un meilleur échauffement de l'organisme mais suite aux questions soulevées lors de cette
discussion, j'ai enfin décidé de vérifier la sensibilité du PowerTap à la température ambiante.
Lors de la séance hier soir, comme d'habitude, j'ai fait le zéro du PowerTap (qui se situe à l'indice 517) juste avant de monter sur la machine. Au bout de 30mn, je reste connecté sur l'écran de test du zéro et cesse de pédaler. L'indice du zéro glisse alors de l'indice 517 à 519. Je repars à nouveau pour les 30 dernières minutes de la séance, puis vérifie à nouveau. Encore une fois, le zéro se déplace en passant de 519 à 520. La veille, il avait dérivé pendant l'heure de 517 à 521. Au cours de mon 2*20mn (puissance cible 300W), cet indice qui mesure le couple exercé sur le moyeu arrière monte aux alentours de 600 soit une différence d'environ 80: il semble que cela soit la mesure en déciNewton-mètre du couple exercé (confirmé en regardant les valeurs dans TrainingPeaks). Cela veut dire qu'au cours d'une heure, le zéro a glissé d'environ
0.3Nm à
0.4Nm. Soit une erreur de
4 à 5% sur les
8Nm exercés alors sur le moyeu, et donc sur la puissance exercée à ce moment là. Le capteur de puissance PowerTap est annoncé avec une précision de
+/-1.5% et cela correspond bien en effet à la précision de mesure du couple de
+/-0.1Nm.
Une
étude montre d'ailleurs la forte influence de la température (dans la fourchette 8-21°C) sur les capteurs de puissance (le SRM étant un peu moins sensible) et confirme l'ordre de grandeur trouvé sur l'erreur et donc souligne l'importance cruciale de recalibrer cet outil à chaque variation importante de température. C'est tout à fait mon cas, avec un vélo entreposé en permanence dans une pièce fermée près d'un chauffe eau. La température y est de l'ordre de 26°C, et hier soir sur le balcon, elle était de 6°C, soit une différence de
20°C entre le début et la fin de la séance... Cette erreur sur le couple mesuré de
5% implique que mes puissances moyennes lors de séances hivernales de
2*20mn sur home trainer sont faussées en moyenne d'environ
5W sur la 1ère série et de
10W sur la 2ème série.... Dans ma volonté de tracer l'évolution de la puissance développée, avec une obsession de précision qui confine parfois à la pathologie :-), ces chiffres sont juste décourageants.
Bien sûr, les mesures sont consistantes d'une séance à l'autre et sur plusieurs années, car effectuées dans les mêmes conditions, mais elles sont donc surestimées à chaque fois de plusieurs %. Sur route, en revanche, l' auto-calibration se fait très souvent sur le PowerTap (à chaque fois que l'on cesse de pédaler pour s'arrêter ou dans une descente), empêchant que ce problème se produise de façon aussi ample. Toutefois, cette dérive pourrait survenir de façon plus mesurée dans l'ascension de très longs cols où l'amplitude thermique peut parfois dépasser la dizaine de degrés Celsius.
Donc, si je veux être parfaitement rigoureux à l'avenir, il faudra alors modifier la procédure: sortir le vélo sur le balcon longtemps à l'avance (au moins 30 minutes comme le conseille la
documentation du SRM) pour permettre au moyeu arrière de converger vers la température ambiante et/ou cesser de pédaler avant chaque commencement d'une nouvelle série pour s'assurer que le zéro est fait et limiter ainsi la grande sensibilité des capteurs de puissance à la température. Hier soir, à la fin de la deuxième série du 2*20mn, la révélation de cette vérité faisait décidément très mal au moral et un peu plus mal aux jambes.